Cette création pour quinze danseurs du chorégraphe catalan Marcos Morau signe un retour aux sources du conte, chambre noire de nos imaginaires et de nos espérances déchues. Préparez-vous à un réveil visuel et sonore entre archaïsme et modernité.
Portée par la partition originale de Tchaïkovski, cette création de Marcos Morau est une célébration de l’imaginaire, du collectif et de la dissonance. Finie la période de latence heureuse de 100 ans ! En ces temps crépusculaires, la légende de la Belle au bois dormant nous renvoie à nos rêves de progrès transformés en cauchemars d’éternel retour. Gageons que la force de cette écriture chorégraphique au cordeau donnera l’envie de (tout) recommencer !
Patrice Chéreau nous a quittés il y a 10 ans. En son hommage, son actrice fétiche Dominique Blanc reprend sa mise en scène du journal d’après-guerre de Marguerite Duras. Jamais le plateau ne fut autant chargé de fantômes aussi douloureux que lumineux.
Dans La Douleur, Marguerite Duras consigne tout à la fois la Résistance, la Libération, les camps mais aussi l’attente terrible, l’espoir fou et le retour incroyable de l’homme aimé, Robert L., devenu l’ombre de lui-même. Avec la complicité de Thierry Thieû Niang, Patrice Chéreau a adapté ce texte intime pour sa fidèle compagne de route. Il a créé un objet de théâtre universel qui résonne avec la blanche écriture durassienne. Primée pour ce rôle par le Molière de la meilleure comédienne en 2010, Dominique Blanc, sociétaire de la Comédie-Française, incarne de nouveau la force de vie inouïe de cette femme et sa façon de lutter au quotidien pour dépasser la peur et revenir de l’enfer. L’émotion intacte, elle transmet cette œuvre, humblement, sans trémolo. À ne pas manquer. Parce que c’est elle. Parce que c’est lui.
En portugais, le mot « barulhos » évoque les bruits du quotidien. Bouba Landrille Tchouda convertit ce vacarme sonore en plaidoyer dansé pour un espace de paix et de partage.
Si les petits riens auditifs tapissent la rumeur du monde, leur silence inquiète et renvoie à l’isolement, voire à l’enfermement. Cette nouvelle création de la compagnie Malka plonge le public dans un dispositif sonore immersif. La mise en mouvement des six interprètes, entre hip hop et danse contemporaine, résonne comme un appel à faire communauté. Passeuse de vibrations et brodeuse de liens, la danse devient instrument d’une quête identitaire. Une création sensible et engagée pour retisser du lien social et retrouver l’autre.
EtSi… le corps et la machine pouvaient entrer en résonance ? Et si une danseuse et un mobile lumière pouvaient se fondre en une nouvelle matière ? Laissez-vous porter par cette œuvre chorégraphique futuriste qui crée un tournoiement hypnotique des sens.
EtSi… est un spectacle conçu par le directeur de Chaillot – Théâtre national de la danse, Rachid Ouramdane, et l’artiste pluridisciplinaire Maxime Houot. Ensemble ils subliment un corps virevoltant à l’infini, celui de la danseuse Lora Juodkaite, fidèle acolyte du chorégraphe. Ce tournoiement vertigineux répond aux mouvements giratoires de la machine MA de Maxime Houot, dont le Collectif Coin a produit la plupart des créations. Entre lumière et obscurité, cette performance aussi monumentale qu’intimiste renverse les repères de notre perception pour dessiner un paysage mouvant et abstrait. Une pièce faite de torsions visuelles et sonores où les notions de plein, de vide, de hauteur, de profondeur et d’échelle se transforment pour créer un rituel post-humaniste sous nos yeux subjugués.
Un homme se mêle à quatre chevaux noirs pour danser avec le vivant. Animal parie sur le don et l’écoute entre espèces pour rêver avec éclat à un autre avenir.
Sur la scène, quatre chevaux et cinq humains s’entremêlent pour tisser un langage organique commun, entre vibrations des corps et musique vivante. Qui mène la danse entre l’homme et l’équidé ? Qu’importe, seul prime le plaisir évident de jouer ensemble au risque de se confondre. Devenir hybride, devenir centaure, tel est le rêve éveillé que Manolo poursuit depuis l’enfance. À l’écoute des propositions de chaque cheval, Kaori Ito a écrit une chorégraphie puissante, pleine de malice et de dérision pour décentrer notre regard et notre humanité. À l’heure de l’effondrement de la biodiversité, cette création raconte l’urgence d’une nouvelle relation à notre propre animalité. Entrez dans la ronde hypnotique de ce poème sauvage et sensuel, véritable cri d’alliance avec l’ensemble du vivant.
Classique du répertoire lyrique, l’opéra de Debussy trouve une nouvelle vie dans cette mise en scène de Richard Brunel et les arrangements de Florent Hubert portés par une distribution exceptionnelle autour de l’actrice et chanteuse Judith Chemla, magnifique dans le rôle de Mélisande.
Quand Debussy s’empare du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck il y voit un théâtre dans lequel « les personnages ne discutent pas, mais subissent la vie et le sort ». Pour que « l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût continue, ininterrompue », il invente des personnages qui chantent « comme des personnes naturelles », recherchant une musique aussi proche que possible de la sensibilité de la langue et des émotions qu’elle exprime, une musique théâtrale. La mise en scène de Richard Brunel et les arrangements de Florent Hubert restent fidèles à la démarche de Debussy vers un « théâtre opératique », un « opéra théâtral », qui s’incarne dans la chair des interprètes. Ils offrent une lecture forte et épurée du chef-d’œuvre de Debussy, sublimée par un plateau associant Judith Chemla, le chanteur Benoît Rameau et les comédiens Jean-Yves Ruf et Antoine Besson.
Tout mon amour est la première pièce de Laurent Mauvignier, auteur de plusieurs romans d’une grande beauté. Dans une maison qui fut le théâtre d’événements tragiques, un homme (Philippe Torreton) et sa femme (Anne Brochet) reviennent après dix ans d’absence.
Lui vient enterrer son père. L’enterrement, les affaires familiales à régler, le couple aimerait faire vite, ne pas s’attarder mais une série d’événements va néanmoins le retenir… On passe, dans ce polar métaphysique, d’un lieu à l’autre, du dedans au dehors, comme on passe des vivants aux morts, de situations aux récits, des espaces vécus aux espaces mentaux. Ici point de pathos, ni de démonstration psychologique… mais la valse des silences, dénis, non-dits et souffles entre les corps qui, offerte par une distribution remarquable, nous touche au plus profond.
Le racisme systémique se niche dans les détails du quotidien. Récit initiatique, Le Iench ne démord pas de ce constat implacable. Sur un plateau tournoyant, décor de l’intime, Éva Doumbia déplace nos représentations traditionnelles avec cette fiction familiale.
Être blond, avoir deux voitures et un chien, quoi de plus banal ? Tout se complique quand on s’appelle Drissa et qu’on est issu d’une famille d’origine malienne en France. Son désir enfantin d’un animal domestique cristallise peu à peu une intégration inlassablement retardée et un conflit béant avec son entourage. En dessinant la trajectoire d’une famille afropéenne, Éva Doumbia sort de l’invisibilisation les personnes issues de l’immigration. Son écriture et sa mise en scène mêlent poésie et réalisme quasi cinématographique pour dépeindre l’aspiration à l’acceptation et lutte contre l’exclusion. En écho aux bavures policières et à l’affaire Adama Traoré, la metteuse en scène dédie cette pièce sensible et universelle à son frère disparu.